Eleodora (1887) et Las consecuencias (1889) constituent un exemple singulier de la production littéraire de Mercedes Cabello de Carbonera (1842-1909). Bien que la critique habituelle tende à les considérer comme un seul et même roman, parce qu'ils partagent la même intrigue, il existe de nombreuses raisons de les différencier, y compris leur placement respectif à différents stades de la production de l'auteur.
Le premier est plus proche du drame romantique, tandis que le second montre l'influence naturaliste marquée des derniers romans de l'auteur. Eleodora et Las consecuencias peut être considéré comme un processus de réécriture, révélant ainsi les stratégies utilisées pour construire la nouvelle esthétique : changement de titre, nouvelle fin, complexité des personnages secondaires, termes scientifiques, descriptions, etc. À sa sortie, Eleodora a bénéficié du soutien de Ricardo Palma : c'est lui qui l'a approuvée et publiée à l'Ateneo de Lima.
Cabello avait basé l'intrigue sur sa tradition L'amour d'une mère, et lui avait dédié le roman.
Las consecuencias, beaucoup plus volumineux, abandonne cette attitude élitiste puisqu'il paraît en feuilleton dans plusieurs numéros de La Naci n et en livre, la même année, mais est reçu avec des critiques négatives, très similaires à la réaction suscitée par Blanca Sol. Deux ans séparent ces deux romans aux esthétiques si différentes, un fait que l'on peut interpréter comme révélateur de la tension sur ce qu'une femme doit ou ne doit pas écrire, la lutte entre le canon et la transgression.
En prenant cette position, Mercedes Cabello de Carbonera a opté pour la voie la plus dure. Cette édition de Monica Cardenas présente un intérêt particulier pour la critique de la littérature féministe latino-américaine. Elle permet de lire sous tous les critères scientifiques deux romans de Mercedes Cabello de Carbonera, inédits depuis 1889.
La Péruvienne Mercedes Cabello de Carbonera était une écrivaine exceptionnelle, dont la renommée égalait celle de Juana Manuela Gorriti et d'Emilia Pardo Bazan. Monica Cardenas a retrouvé Eleodora, la première version de Las consecuencias, et montre comment l'esthétique du sublime alterne avec le grotesque, héritage de la période romantique. Les types humains des Cabellos témoignent de l'idéologie du tournant du siècle.
Comme le dit l'éditeur : "Les romans de Mercedes Cabellos sont une vitrine des pièges qui entourent les femmes de la société liménienne du XIXe siècle... Le roman montre une modernité contradictoire".
Grâce à cette recherche, avec laquelle Monica Cardenas complète sa thèse de doctorat en France, il devient possible de faire une critique génétique des techniques de réécriture et des stratégies narratives utilisées par Cabello de Carbonera dans le passage d'un roman à l'autre. Isabelle Tauzin-Castellanos.
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Dernière modification: 2024.11.14 07:32 (GMT)